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Édito de la lettre du 15 avril 2021

À deux mois de la date prévue des élections départementales et régionales, et alors qu’elles ont déjà fait l’objet d’un report, c’est seulement mardi 13 avril qu’elles ont été confirmées. Pourtant, lors de son intervention dans le cadre de l’article 50-1 de la Constitution, le 1er avril dernier, le Premier ministre affirmait: « Seules des conditions sanitaires impérieuses de nature à compromettre l’organisation de la campagne ou du scrutin pourraient justifier un nouveau report. ». Cela paraissait explicite. Mais il s’empressait d’ajouter: « Le premier des critères qui finira toujours par s’imposer, c’est la protection sanitaire des citoyens ». Bref, les élections auraient lieu sauf si elles devaient être annulées. Deux semaines plus tard, après un sondage improvisé auprès des maires, et un résultat en faveur du déroulement des élections fin juin, le calendrier s’est enfin clarifié.

L’opacité persistante posait de multiples problèmes : aux candidats d’abord, qui ne pouvaient engager leur campagne électorale avec sérénité sans en connaître les règles précises ; et aux maires ensuite, qui portent la responsabilité de la bonne organisation du scrutin. Hier mercredi 14 avril, toujours dans le même cadre législatif, le Premier ministre devant le Sénat confirmait que de nouvelles modalités seraient imposées, sans savoir à ce stade précisément lesquelles. Il est certes compréhensible que le contexte nécessite certaines dispositions, toutefois le minimum serait que celles-ci soient connues rapidement afin que les communes puissent s’adapter. Une ou plusieurs urnes, des tables de vote en extérieur, un allongement de l’ouverture des bureaux, des conditions de protection sanitaire plus drastiques…, tout cela est envisageable mais doit s’anticiper. Par ailleurs, qui prendra en charge le surcoût que pourraient créer ces nouvelles règles ? On peut craindre que les communes soient encore mises à contribution, sans compensation financière.

Depuis le début de la pandémie 58 pays, dont la France, ont reporté des élections. A contrario, 14 pays européens ont procédé à des scrutins locaux ou nationaux dont les Pays-Bas, l’Allemagne, le Portugal, la Pologne, et près de 40 nations dans le monde ont fait de même, y compris la plus peuplée des démocraties, les États-Unis. Les reports du début de la pandémie, alors que le niveau de connaissance du virus était moindre et la vaccination inexistante, n’auraient pu se justifier un an après. Il aurait été regrettable que ce que d’autres pays ont réussi à organiser dans le respect des règles sanitaires, la France ne le puisse pas. Pour autant, je déplore qu’en une année, il n’y ait eu aucune démarche officielle pour envisager le vote par correspondance ou le vote électronique. Ces options utilisées ailleurs ont systématiquement été écartées ici d’un revers de main. C’est encore un exemple des difficultés françaises à s’adapter à une situation que nous subissons, sans doute plus que d’autres pays moins craintifs face aux changements.

Au-delà des postures strictement politiques, dont celle du Président de la République qui avait un intérêt évident au report de ces élections après les présidentielles, oublier que certains droits ont été durement acquis serait coupable. Ils ne peuvent être écartés pour des raisons strictement sanitaires : le Président lui-même déclarait, le 25 août 2020, que nous devions apprendre à vivre avec le virus. Le report envisagé des élections représentait un affaiblissement d’une liberté fondamentale, celle du citoyen de choisir ses représentants. On peut regretter qu’il ait fallu si longtemps pour trancher mais aussi se féliciter du choix final.