Fermer

Édito de la lettre du 15 novembre 2021

 

Nouvelle Calédonie: ça passe ou ça casse !

C’est maintenant officiel, le 12 décembre prochain se tiendra le troisième référendum d’autodétermination en Nouvelle-Calédonie. Après les accords de Matignon de 1988 qui transféraient certaines compétences de la France vers l’île, c’est celui de Nouméa, signé en mai 1998, sous l’égide de Lionel Jospin alors Premier ministre, qui institue cette consultation.

Il y a vingt-trois ans, une nouvelle phase de notre histoire commune s’ouvrait en effet avec l’accord de Nouméa. L’affirmation de la reconnaissance des « ombres de la période coloniale » ainsi qu’une meilleure prise en compte de l’identité kanak dans l’organisation politique et sociale de l’île furent des avancées nécessaires pour dépasser, sans les nier, les reproches du passé. L’accord reconnaissait ainsi dans son préambule une double légitimité : celle de la population kanak, « premier occupant », celle des autres communautés au titre de leur participation à la construction de la Nouvelle-Calédonie contemporaine. Le texte touchait à de nombreux aspects en confirmant un statut civil particulier, la légitimation du droit coutumier, l’affirmation du patrimoine culturel, des signes identitaires et des langues kanak.

L’accord prévoyait trois référendums sur l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie, l’ultime étant conditionné par un vote négatif aux deux premiers. Or, à la question « Voulez-vous que la Nouvelle-Calédonie accède à la pleine souveraineté et devienne indépendante ? » les Néo-Calédoniens ont répondu, par deux fois, en novembre 2018 et octobre 2020, négativement. L’écart entre le vote indépendantiste et le vote loyaliste se resserrant entre la consultation de 2018 (56,7 % pour le non) et celle de 2020 (53,3 % pour le non), la probabilité d’une victoire finale des indépendantistes, et donc d’une sortie de la République, devenait grande. C’est pour bénéficier de cette dynamique que ces derniers demandèrent la convocation du troisième vote programmé en décembre 2021. Le paradoxe est dans l’inversion des volontés, car ce qui est favorable aux uns ne l’est pas aux autres. La pandémie de COVID-19 et le mauvais taux de vaccination des Kanaks expliquant que 80% des morts de l’île soient de cette communauté, des violences liées à la reprise de l’usine de nickel de la province Sud, les crises politiques à la suite de la victoire des indépendantistes au gouvernement collégial, la situation économique instable, la présence menaçante de la Chine dans la région… ont inversé le rapport de force et fait basculer l’opinion publique, rendant la victoire du oui très improbable. En conséquence, ceux qui, hier, voulaient un référendum le rejettent aujourd’hui et appellent à le boycotter, et ceux qui ne le souhaitaient pas plaident pour son maintien.

J’ai la chance, en cette fin de mois, de pouvoir être membre d’une mission sénatoriale sur place, destinée à entrer en contact avec les officiels calédoniens et à rappeler tout l’attachement du Sénat à ce territoire de la République.

L’enjeu est de première importance, à la fois pour les Mélanésiens et pour la France, présente sur l’île depuis 1853. L’Indopacifique, j’ai eu l’occasion de l’évoquer ici-même précédemment, est la zone du monde de tous les enjeux pour les années à venir. C’est là sans doute que les tensions les plus aiguës se manifesteront et c’est là aussi que le développement économique et la création de richesses seront les plus grands. Ce territoire livré à lui-même serait sans doute une proie facile pour les ambitions sans retenue de la Chine. De nombreuses petites îles du Pacifique ont d’abord vu dans l’hégémonie chinoise une opportunité économique avant de déplorer la menace stratégique qu’elle constitue.

La France, et plus largement l’Europe à travers elle, doit être un acteur de cette partie du globe. Au-delà des ressources que comportent les terres et les mers calédoniennes, le nickel, et les Zones économiques exclusives, qui doivent participer au développement et à la richesse de l’île et de ses habitants, la présence française dans le Pacifique est un sujet essentiel pour notre avenir. Être partie prenante du nouvel ordre mondial qui se profile, c’est maintenir notre rang dans le concert des Nations, c’est rester une puissance qui compte.

Ce troisième référendum qui clôturera les négociations de 1998, s’il confirme les deux précédents, devra ouvrir une autre page et asseoir le rôle de la France, présente dans tous les océans du monde, à proximité des cinq continents. Une France bienveillante, qui défend ses intérêts tout en respectant les peuples autochtones et qui veille à atteindre un niveau de développement élevé. Un accord gagnant-gagnant !