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Édito de la lettre du 16 juin 2021

À quatre jours des élections départementales et régionales, l’enthousiasme électoral n’apparaît pas. La campagne, lancée tardivement, n’a jamais trouvé son rythme. Et finalement, alors qu’on pouvait craindre  que les régionales politisent les départementales et en dénaturent le scrutin, on espère maintenant qu’un vote soutienne l’autre et stimule la participation. Malgré tout, une fois encore, la probabilité est forte que le grand vainqueur de cette élection soit l’abstention… et la grande perdante, la démocratie. Mais pourquoi nos concitoyens votent-ils de moins en moins ?

Nous avons tous une réponse à cette question. La déception, la résignation, l’amalgame, le rejet, la méconnaissance du rôle des élus,…, l’incivisme dans tous les cas, sont les causes qui viennent spontanément à l’esprit. Certes, tout cela témoigne d’un profond malaise, mais sans doute aussi est-ce la rançon des démocraties favorisées et en paix, car la France n’est pas seule à constater la désaffection de ses citoyens. Voter prend sans doute plus de sens lorsque cette possibilité n’est pas une évidence ou qu’on a dû lutter pour en obtenir le droit.

Pourtant, il s’agit aujourd’hui de choisir, un an après les élections municipales, des élus de proximité, appelés à porter des politiques aux conséquences directes sur la vie de chacun. Les candidats qui « boîtent et tractent » le savent bien : rares sont les habitants capables d’énoncer le rôle d’une collectivité territoriale ou d’une autre. Au-delà d’un savoir non acquis durant le parcours scolaire dont on pourrait parler, mais c’est un autre sujet, cette méconnaissance est liée à une organisation territoriale et administrative  particulièrement complexe.

Après l’acte I de la décentralisation, dite loi Defferre (1982), puis l’acte II avec les lois Raffarin (2002), le processus de décentralisation et de simplification est resté au milieu du gué. Les lois plus récentes, telles MAPTAM et NOTRe, n’ont pas eu l’ambition des précédentes et même, parfois, sont allées à contresens, vers une recentralisation.

La loi 3DS, pour « Décentralisation, Différenciation, Déconcentration et portant diverses mesures de Simplification de l’action publique locale », sera discutée  au mois de juillet en première lecture au Sénat. Elle constitue la deuxième loi de  l’actuelle mandature se rapportant aux collectivités territoriales, après « Engagement et proximité ». Nous aurons l’occasion, bientôt, de l’analyser ici, mais nous savons d’ores et déjà qu’elle ne tiendra pas les promesses de son intitulé. Le Conseil d’État a d’ailleurs émis de fortes réserves sur son contenu et considéré que le texte manquait singulièrement d’ambition. Le rôle des deux assemblées sera essentiel pour le faire évoluer. Encore faudra-t-il que le gouvernement l’accepte, car sinon les améliorations resteront à la marge. Comme pour de nombreux projets de loi, au titre ronflant et au contenu indigent.

Ce n’est pas nouveau, les collectivités ont besoin de confiance. Celle-ci repose sur la vision des moyens dont elles disposeront à l’échelle d’un mandat. Les assemblées territoriales demandent aussi, à juste titre, une réelle simplification des démarches, une charge administrative allégée et des dispositifs nationaux clairs, alors qu’ils sont jargonneux et toujours plus compliqués. Le système est embolisé par toute cette lourdeur qui le rend abscons, pour un maire nouveau dans sa fonction et d’une façon générale peu lisible et difficilement applicable. Simplifier c’est économiser, décentraliser c’est optimiser et permettre une meilleure efficacité.

Enfin, pour nos concitoyens, la répartition des compétences est incompréhensible et semble ne répondre à aucune logique. Comment expliquer que les collèges soient de la responsabilité des Conseils départementaux et les lycées de celle des Conseils régionaux ? Où est la rationalité dans l’imbroglio entre CAF, Départements et État dans la gestion du RSA ? Quelle cohérence dans la multiplicité des intervenants sur le réseau routier ou la double tutelle des établissements médico-sociaux ? Les exemples sont malheureusement nombreux et, quand plus personne ne comprend une organisation, beaucoup s’en détournent.

De la clarté, c’est peut-être aussi ce qu’attendent les Français pour retrouver le chemin des urnes.

Lire l’édito de la lettre du 1er juin