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Édito de la lettre du 2 novembre 2021


Illusions perdues ?

Après la Covid-19, la relance économique et la fiscalité, mises à l’ordre du jour du G20 en fin de semaine dernière à Rome, les dirigeants du monde se sont retrouvés à Glasgow pour la COP26 qui se tiendra jusqu’au 12 novembre sur l’impérieux sujet du climat.

Depuis 1995 à Berlin, ce sommet réunit chaque année les États signataires de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC). Cette année, plus de 190 dirigeants mondiaux sont attendus. Des dizaines de milliers de représentants de gouvernements, de villes, de régions et de parties prenantes non étatiques (entreprises, investisseurs, ONG…) participeront aussi à ces deux semaines de négociations pour adopter de nouvelles mesures permettant de réduire de manière – on l’espère – drastique les causes de l’effet de serre, principalement les émissions de CO2. Préparée très en amont, notamment lors de la conférence de Bonn qui s’est tenue pendant trois semaines en mai dernier, la feuille de route fixe quatre grands enjeux : rehausser l’ambition climatique, finaliser les règles d’application de l’Accord de Paris, mobiliser la finance climat* et renforcer l’Agenda de l’Action climatique.

Le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) insiste sur la nécessité de réduire de 45 % les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 pour limiter le réchauffement à 1,5  °C, soit l’objectif maximal de l’Accord de Paris en 2015, avant de pouvoir prétendre à la neutralité carbone en 2050. Mais, selon le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), les gouvernements des 15 plus importants pays pollueurs (Chine, États-Unis, Russie, Inde…) prévoient de produire en 2030 une quantité de combustibles fossiles plus de deux fois supérieure à celle compatible avec une limitation du réchauffement climatique à 1,5°.

Il faut rappeler que c’est l’Accord de Paris, conclusion de la COP21, signé le 12 décembre 2015, qui a défini un cadre contraignant pour les États, donnant ainsi de nouvelles armes aux ONG environnementales, alors que les précédents n’étaient que des déclarations d’intention. Adopté par 196 parties, il est entré en vigueur le 4 novembre 2016, après que 55 % des pays signataires de la Conférence des parties l’eurent ratifié. Prise en faute, la France en a d’ailleurs fait récemment les frais par une condamnation du tribunal administratif de Paris pour inaction climatique en raison de « la carence partielle de l’État français à respecter les objectifs » de réduction d’émissions de gaz à effet de serre entre 2015 et 2018.

Alors que nous assistons, impuissants, à la multiplication des événements climatiques : dôme de chaleur au Canada, canicules en Sibérie et en Californie, fonte accélérée des deux pôles, montée des eaux…, l’atmosphère s’est réchauffée de 1,1° depuis l’ère préindustrielle (1850-1900). En France, près de 62 % de la population est exposée de manière forte ou très forte à des aléas climatiques.

Quels engagements pouvons-nous attendre des pays les plus riches et les plus pollueurs à l’issue de la conférence de Glasgow ? Les pessimistes considéreront avec désolation le slogan de la dernière COP à Madrid, « Time for action », demeuré vain ou encore l’absence des dirigeants chinois et russes lors de ce sommet en Écosse. Les optimistes préféreront voir en la présence de Joe Biden, même si sa politique ne bouleverse pas l’attitude américaine sur bon nombre de sujets, une volonté de renouer avec le multilatéralisme, que son prédécesseur avait à de nombreuses reprises écarté. Son élection a permis aussi, et c’est un fait notable, le retour des États-Unis dans l’Accord de Paris. L’évolution la plus marquante me paraît être la prise de conscience des peuples et, parmi eux, de la jeunesse. Le sujet du climat, plus largement de l’écologie, est devenu une préoccupation des habitants de la planète, si elle n’est pas encore celle de leurs dirigeants.

La grande question, qui demeure sans solution aujourd’hui, est comment passer de la théorisation à l’intention et de celle-ci à la concrétisation. La coopération entre le Nord et le Sud, le choc démographique dans les pays les plus exposés à l’élévation des températures, la fermeture des centrales à charbon (Cordemais, Provence, Émile-Huchet repoussées à 2024 en France), la fin de la commercialisation des véhicules essence et diesel (2035 en Europe, mais 2040 en France), le classement de l’énergie nucléaire dans la liste des énergies durables et favorisant la lutte contre le changement climatique éligible aux investissement verts sont des sujets essentiels qui seront étudiés et pour lesquels certaines décisions seront prises. Mais la question centrale et douloureuse à laquelle nous serons inéluctablement confrontés un jour prochain est : pouvons-nous garder notre mode de vie, conserver nos standards de confort ? Ou bien faut-il réinventer une autre façon de vivre, de consommer, de produire, de se nourrir, de se déplacer, d’habiter ? Mon sentiment est que nous devons aller beaucoup plus loin que le tri sélectif, l’isolation de nos bâtiments ou le passage aux véhicules électriques. Ce n’est pas une perspective agréable, mais il y a urgence à agir avec efficacité. Car, comme le dit un slogan de la rue, qui doit faire réfléchir : « Terrien sans la Terre, t’es rien ! »

 

*Définition par WRI (World Resources Institute):

– Définition large : tout mouvement de fonds vers des activités qui réduisent les émissions de GES ou aident la société à s’adapter au changement climatique

– Définition moins large : désigne uniquement les flux financiers des pays développés vers les pays en développement (finance climat internationale)

– Définition étroite: finance climat internationale

« additionnelle », donc uniquement les investissements supérieurs aux investissements au fil de l’eau