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Edito de la lettre du 20 mai 2020

Enfin l’information est tombée. Les conseils municipaux peuvent se mettre en place, et se réuniront pour élire maire et adjoints entre le 23 et le 28 mai. L’équipe municipale sera alors en ordre de marche et les affaires de la commune pourront se poursuivre dans un cadre conforme. Compte tenu des dispositions encore en vigueur – possibilité de porter deux pouvoirs et respect des mesures de distanciation –, on aurait pu imaginer que cette décision soit prise plus tôt afin d’éviter cette période, lourde pour certains, de cohabitation entre nouveaux élus et prédécesseurs. Par ailleurs, cet entre-deux a eu pour conséquence d’interrompre la plupart des projets d’investissements des collectivités, qui représentent pourtant 70% de l’investissement public.

Dans les villes où la victoire résulte d’un combat parfois acharné et d’une dynamique d’équipe, cette première réunion aura une saveur assez fade, comparée aux traditionnels conseils d’installation dont le caractère solennel et festif soudaient les équipes nouvellement en place. Dans notre département, 285 communes sont concernées, et je ne doute pas que tous les élus trouvent rapidement leurs marques. Ceux pour lesquels il s’agit d’un premier mandat s’apprêtent à vivre une aventure humaine exceptionnelle. Une expérience qui forge et fait grandir : servir ses concitoyens, chercher à résoudre leurs difficultés, s’inscrire à la suite de ceux qui ont développé leur ville ou leur village donne du sens, au-delà même de cet engagement. Je souhaite à tous de s’épanouir dans cette belle fonction. Je rappelle que les Sénateurs, représentants des collectivités territoriales et des territoires au sein du Parlement, sont eux-mêmes à la disposition de tous les élus pour les informer, les écouter, les aider et porter, si nécessaire, leurs requêtes auprès des représentants de l’État et des ministères. L’ensemble, que compose la représentation locale et nationale, base de notre démocratie, constitue un irremplaçable vivier de femmes et d’hommes au service de leurs concitoyens et de leur territoire.

Dans quelques jours va se jouer le second volet de la partition. Celui qui concerne les communes où le premier tour n’a pas pu départager les différentes candidatures. Dans notre département, il s’agit de 40 villes et villages. C’est avant le 27 mai que l’exécutif devra trancher et dire si le scrutin sera organisé le 28 juin ou renvoyé à plus tard. La tenue du premier tour, au début de l’épidémie, avait créé une controverse et mis en difficulté le pouvoir, mais aussi l’ensemble des partis qui avait pourtant fortement plaidé pour son organisation. Chacun confirmant alors la formule de Georges Clemenceau : « Tout le monde peut faire des erreurs et les imputer à autrui : c’est faire de la politique». Un mauvais choix pour ce second tour serait considéré comme une faute majeure. On sent que la décision brûle les doigts de ceux qui ont la capacité de la prendre. La proposition d’un débat au Parlement s’inscrivait dans cette logique de dilution des responsabilités. Il n’aura probablement pas lieu, car les différents partis politiques ont rappelé au Premier ministre que la décision lui appartenait. Abandonné par le conseil scientifique, qui n’a pris aucun risque dans ses conclusions, Édouard Philippe se retrouve seul face à cette responsabilité et joue sa tête de chef du gouvernement dans cette décision.

Compte tenu de l’ouverture des écoles, des commerces et, on peut l’espérer, prochainement des bars et restaurants des départements « classés verts », la logique voudrait qu’on en finisse avec ces élections faussées. Leur organisation, assortie d’un ensemble de précautions, devrait permettre leur tenue sans trop de risques. Ces derniers concerneront surtout la campagne électorale. Mais, du fait des règles de protection, faute de réunions publiques, de porte-à-porte ou de distributions de tracts, celle-ci ne sera qu’une parodie. Les visio-réunions ont des limites qui seront rapidement atteintes dans cet exercice. La participation restera sans doute très faible, car on peut aisément comprendre que, par mesure de précaution, de nombreux électeurs, notamment les plus âgés, ne se déplaceront pas.

Aucune garantie de sécurité n’existe non plus dans le report du scrutin. Qui peut affirmer que la situation sera différente à l’automne ou au printemps prochain ? Personne ! Et dans cette hypothèse, il ne s’agira plus d’un second tour, mais bien de l’ensemble de l’élection municipale qui devrait être prévu  à nouveau.

Cette équation insoluble, le Premier ministre va devoir la résoudre et trancher, et quelle que soit sa décision, à n’en pas douter, elle provoquera des critiques. Il faut espérer que, dans notre pays fragilisé, la moins mauvaise des solutions ne donne pas lieu à des débats stériles. Nous devons maintenant avancer et pour cela, il est temps de décider.