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Édito de la lettre électronique du 18 novembre 2024

Trump is back !

S’il y a bien une chose que nous n’avons pas à envier aux Américains, ce sont leurs instituts de sondage. Une nouvelle fois, ceux-ci étaient loin du (dé)compte. Dès les premiers résultats, la bataille annoncée au coude à coude n’a laissé aucun doute sur son dénouement. Trump is back. À la réflexion, comment pouvait-il en être autrement ? En campagne depuis quatre ans avec un discours sur mesure pour les classes moyennes et pour les plus défavorisés, avec une personnalité hors du commun, Showman a pulvérisé son adversaire. Celle-ci n’avait ni les épaules assez larges pour rivaliser, ni le temps nécessaire pour espérer conquérir la Maison Blanche. Vu de France, le point d’orgue de cette campagne aux allures de marathon me semble être la tentative d’assassinat de l’ex-président lors d’un meeting en Pennsylvanie, en juillet dernier. Huit balles, un mort (passé inaperçu) et une oreille pour la victoire. Il y avait Tintin et l’oreille cassée, il y aura désormais Trump et l’oreille sanguinolente. C’est un spectacle incroyable qui a été donné au monde entier. Trump échappe de quelques millimètres à la mort, est plaqué au sol par le service de sécurité et se relève après quelques secondes, la gueule en sang, point levé en aboyant trois fois « fight !, fight !, fight ! ». Aucune campagne de communication, aucune déclaration n’aurait pu mieux faire pour dire aux électeurs « Je suis prêt à me battre jusqu’à la mort pour vous, je suis prêt à mourir pour les USA ». Quel adversaire politique pouvait résister à un tel scénario ? Aucun, sans doute. C’est dans les situations extrêmes que l’on peut juger de la personnalité des individus. Les Américains ont jugé et  probablement de nombreux dirigeants du monde aussi. Les premiers ont voté, les seconds réfléchiront à deux fois face à pareille détermination.

Trump président pour la seconde fois (et la dernière, puisque la Constitution n’autorise au total que deux mandats) mènera une politique accrue de fermeture des frontières et de lutte contre l’immigration illégale, il renforcera les droits de douane afin de protéger et de financer son économie (notamment automobile). Avant tout businessman, il mènera une politique internationale destinée à garantir la prospérité de l’Amérique. On peut penser qu’il ne s’encombra pas de considérations démocratiques ou humanistes. America first !

Vis-à-vis de l’Europe, qui n’est pas leur préoccupation première, et de la guerre en Ukraine, les États-Unis se désengageront partiellement. Non pas totalement, car le Vieux Continent, hormis la France, est, pour l’industrie américaine de défense, un marché presque captif, à paiements garantis. Même si les États-Unis, depuis déjà longtemps, n’ont plus vocation à être les « gendarmes du monde », Trump, à sa façon, œuvrera pour la paix tant dans la guerre russo-ukrainienne qu’au Moyen-Orient. Les conflits armés ne sont pas propices au monde des affaires.

Le souci principal du nouveau locataire de la Maison Blanche se situera en Asie et notamment dans la région sino-japonaise. Cette partie du globe, que l’on peut prolonger par l’immensité de l’océan Indien, concentrera à l’avenir une part importante de la population, des richesses et du commerce mondiaux. La Chine, omniprésente, y pose chaque jour plus fortement son empreinte. Les Français nomment cette vaste région du monde « Indo-Pacifique », de « Bollywood à Hollywood », disent les Américains, elle est l’enjeu d’aujourd’hui et de demain car le théâtre d’une course à la puissance. Dans cette région, le sort de Taïwan est évidemment crucial. Ce petit État insulaire de 23 millions d’habitants, 19e puissance économique du globe, convoité par Pékin, est le fournisseur de toutes les industries de la planète en semi-conducteurs, circuits imprimés, puces et autres composants électroniques. La dépendance de l’Occident est quasi totale. C’est très certainement son talon d’Achille dans la guerre économique (ouvertement) et armée (par intermédiaires), qui l’oppose aux trois empires : la Chine, la Russie et l’Iran. Trump et son administration l’ont bien compris et en font l’un des enjeux forts du xxie siècle. Dans ce combat sans merci, l’Europe, affaiblie et désunie, joue les utilités. Entre éructation, déclarations fracassantes et politiques populistes, le 47e président des États-Unis s’affirmera-t-il comme un autocrate imprévisible et dangereux ou comme celui qui restaurera le leadership américain ? Quant à l’Europe, restera-t-elle spectatrice  obéissante et passive  ? Nous avons quatre années pour le découvrir.

 

Hugues Saury
Olivet, le 11 novembre 2024