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Édito de la lettre du 9 juillet 2020

On a perdu la clé !

Vendredi 3 juillet, effet de surprise avec la nomination d’un nouveau Premier ministre, Jean Castex, peu attendu à ce poste. Le nom du maire de Prades avait été avancé en octobre 2018 pour prendre la tête du ministère de l’Intérieur, lors de la démission de Gérard Colomb, avant de disparaître des radars médiatiques.

Homme de droite, se qualifiant lui-même de gaulliste social, référence dont je me sens proche, il va devoir s’atteler à une tâche particulièrement rude. Celle de reconstruire la France. Car la France s’est défaite au fil des années, et jusqu’à maintenant rien ni personne n’a réussi à la remettre sur le bon chemin. Celui de l’unité nationale d’abord, et celui de la croissance durable qui permettrait de rompre avec sa maladie chronique qu’est le chômage.

Des dossiers lourds et complexes attendent le Premier ministre. Ceux des crises, sanitaire en cours et économique à venir, celui des retraites qu’il faudra bien conclure, celui de l’environnement devenu un enjeu politique et une nécessité, celui des fractures sociales qui engendrent des poussées de violence, celui de la décentralisation et de la déconcentration des services de l’État, celui de la souveraineté industrielle, agricole et numérique, sans oublier les épineux dossiers de la radicalisation et du terrorisme latent. Un travail colossal dont la seule énumération démontre les échecs politiques à répétition. En somme, une mission qui demandera de la compétence, de la méthode, de l’autorité et une grande capacité à communiquer et à être entendu des Français.

La clé de la réussite est de restaurer la confiance. C’est certainement la tâche la plus difficile de toutes. Comment redonner à nos concitoyens la volonté de faire nation et de se projeter dans un avenir commun ? Comment obtenir l’adhésion aux mesures impopulaires mais nécessaires afin d’entrevoir des lendemains plus cléments ? Les Français attendent des résultats qui se traduisent par une amélioration de leur vie quotidienne. C’est sur cela que le gouvernement et son chef seront jugés. Or, il faut des résultats positifs pour créer la confiance mais il faut aussi celle-ci pour obtenir des résultats. C’est face à cette redoutable équation que se retrouve Jean Castex.

Les quelques mots du tout nouveau chef du gouvernement m’ont donné l’impression d’être plongé dans les années soixante-dix, tant l’homme semble éloigné des standards actuels de la communication politique. Le style, la façon d’être, l’expression sont en décalage avec son prédécesseur. Celui-ci, qui avait au départ le même profil – inconnu du grand public, élu local, homme de droite, haut fonctionnaire, énarque – s’est révélé solide et a su se faire apprécier des Français dans un contexte inédit de difficultés multiples. En se séparant du populaire et estimé Édouard Philippe et en nommant l’inconnu Jean Castex, Emmanuel Macron prend un risque et fait un pari. Celui du quitte ou double.

Après ces tout premiers pas, je suis perplexe sur la capacité de Jean Castex à entraîner derrière lui, à convaincre. Une première impression qui ne peut, bien entendu, être un jugement définitif. Sa réputation d’efficacité, sa connaissance des dossiers, sa méthode de travail, son écoute sont reconnues. Mais il faudra bien davantage pour obtenir la confiance des Français.

Le remaniement n’a que peu modifié l’ordonnancement précédent. Vingt-quatre sortants sur trente et un, ce n’est pas un bouleversement mais une continuité. De toute évidence, ce gouvernement penche nettement à droite. Sa composition éclaire sur la stratégie du président de la République en prévision des élections présidentielle de 2022. Rallier une partie de l’électorat de droite lui permettrait d’assurer l’une des deux premières places du premier tour et constituerait la promesse de gagner contre l’inamovible Marine Le Pen. Bis repetita placent.

Malgré cela, je souhaite sincèrement au gouvernement de réussir. Notre pays a tant besoin d’espoir. Ainsi, je ne peux souscrire aux propos de Christian Jacob, qualifiant le nouveau locataire de Matignon de « non Premier ministre » et de « technocrate ». Une sentence hâtive, excessive, très politique. Trop politique. L’ami d’hier, qui avait toutes les qualités, les perdrait-il du jour au lendemain en devenant chef du gouvernement ? Évidemment non. L’intérêt de la France et des Français est plus important que les considérations partisanes. Laissons le temps au Premier ministre de faire ses preuves. Soyons vigilants, mais ayons une approche a priori positive. Celle dictée par l’intérêt général.