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Édito de la lettre électronique du 16 avril 2024

De l’autorité… et de l’intelligence nationale.

Contrairement aux idées reçues, les statistiques démontrent que le nombre d’homicides a diminué en un demi-siècle. En revanche, celui des agressions graves, des violences sexuelles et de la petite délinquance a explosé dans le même temps, avec une intensification ces cinq dernières années. La violence des adolescents révélée au grand jour par plusieurs faits divers effraie et interroge sur le devenir de notre société. Ainsi, en deux semaines, plusieurs événements ont frappé l’opinion publique et choqué par leur inhumanité.

Vendredi 5 avril, un adolescent de 15 ans prénommé Shemseddine est décédé après avoir été roué de coups la veille, près de son collège de Viry-Châtillon, par plusieurs autres jeunes cagoulés. Quelques jours plus tôt, c’était Samara, une collégienne âgée de 13 ans qui était passée à tabac à Montpellier, là encore à proximité de son établissement scolaire. Le 9 avril, à Romans-sur-Isère, le meurtre d’un jeune de 15 ans, tué d’un coup de couteau par un garçon de son âge, remettait sous les feux de l’actualité le phénomène des adolescents criminels.

Pour autant, la violence chez ces adultes en devenir n’est pas un phénomène nouveau. Ainsi, un très grand nombre d’émeutiers, lors des affrontements de juin 2023 en France, étaient mineurs et méconnus de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). Une majorité d’entre eux n’étaient pas suivis par la justice. Avant cette vague de violence urbaine, au mois de mars 2023 en France, 817 mineurs étaient déjà placés sous écrou alors qu’ils n’étaient « que » 680 en août 2022. Les chiffres consolidés de 2023 ne sont pas encore disponibles, mais l’augmentation sera sensible.

Les raisons d’un tel déferlement paraissent multiples. D’abord, on constate souvent l’éclatement de la cellule familiale avec des enfants livrés à eux-mêmes et soumis à l’emprise néfaste des aînés, ou à des identifications aux figures familiales qui n’ont pas fonctionné. S’y ajoutent un passé déjà émaillé de violence ou des trajectoires de vie fracassées par une éducation carencée. Ensuite, la culture d’origine de populations nouvellement établies, qui n’ont pas renié le recours à la force et qui considèrent les lois de la République comme accessoires au regard des commandements qu’édicterait leur religion. Enfin, les réseaux sociaux qui agissent comme des amplificateurs de ces carences et affranchissent de toute règle morale. Le filtre des adultes ne joue plus dans ce rapport au virtuel qui peut tout faire basculer. Les figures d’autorité, que constituent le père et la mère, mais aussi le milieu éducatif/scolaire, qui sont censées assurer le développement et l’ordre dans les différentes étapes de la vie sont défaillantes.

Ces vies fauchées, entre enfance et âge adulte, bouleversent autant qu’elles consternent, mais c’est surtout la jeunesse des meurtriers et le déchaînement de violence qui choquent et heurtent notre représentation du bien et du mal. Quels adultes seront ces adolescents et comment peut-on enrayer ce terrifiant processus d’ensauvagement ?

Aux actes barbares, les réponses doivent être radicales. Alors qu’aux États-Unis une sentence historique a été prononcée en condamnant à dix années d’emprisonnement les parents d’un enfant coupable d’une tuerie de masse, en France, responsabiliser les parents demeure une mesure controversée et considérée par certains comme moraliste et injuste. Pourtant, la responsabilisation des parents est un préalable au retour de l’autorité. L’effondrement de celle-ci en France, mais aussi en Europe car le constat est identique dans d’autres pays, est une maladie insidieuse qui ronge et détruit à bas bruit nos sociétés. Écouter, respecter, obéir sont des conditions nécessaires à la vie dans la communauté nationale. C’est le partage d’une règle commune, d’un socle, qui fait sens et constitue Nation. Le rôle de ceux qui détiennent une autorité, en l’occurrence les parents dans la cellule familiale, est de faire observer les principes qui nous permettent de vivre, dans nos différences, les uns à côté des autres. À chaque niveau de nos organisations, il convient de remettre de l’ordre et de retrouver le sens d’une ambition collective. C’est, aujourd’hui comme hier, ce qu’il faut à la République.

Victor Hugo à l’Assemblée législative les 15-16 janvier 1850 : « Je déclare que ce qu’il faut à la République, c’est l’ordre, mais l’ordre vivant, qui est le progrès, c’est l’ordre tel qu’il résulte de l’éducation, de la croissance normale, paisible, naturelle, du peuple, dans les faits et dans les idées, par le plein rayonnement de l’intelligence nationale. »

Hugues Saury, le 13 avril 2024