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Chapitre 12 – Faire cause commune

À la fois attendue et redoutée, la date du 11 mai constitue un tournant dans la crise du coronavirus. De la réussite du déconfinement dépend le terme de cet épisode qui marquera encore longtemps notre pays. Nous sommes face à de nombreux défis, scientifiques, économiques… mais surtout civiques. Sans civisme ni unité, sans acceptation et application collectives des règles les plus strictes, nous reviendrons très rapidement au point de départ sanitaire et amplifierons les conséquences économiques désastreuses. C’est l’apologue du Mal français, « Peuple vif, généreux, doué, qui fournit si souvent le [triste] spectacle de ses divisions et de son impuissance ». C’est aussi notre difficulté chronique à nous hisser à la hauteur de nos voisins d’outre-Rhin en matière de discipline, avec des conséquences sur la production de richesse et le développement. Sans l’implication de tous, sans la volonté commune de construire, rien ne peut se faire. Chacun de nous est dépendant de l’approbation de l’autre à un projet, à une organisation donnée. Le Premier ministre l’a affirmé à plusieurs reprises : nous sommes sur un chemin de crête très étroit avec de chaque côté des à-pics vertigineux. J’en suis convaincu !

 

La permanence du débat sur les masques, les tests et les brigades sanitaires va enfin toucher à sa fin. Nous allons passer, sous peu, du manque à l’abondance de masques, les tests vont se  multiplier et il faudra attendre encore quelques semaines pour qu’ils se banalisent, enfin la question des brigades et du traçage me semble un non-sujet dans notre société hyper-connectée où les moteurs de recherches et les messageries sont à même de connaître à peu près tout de notre existence.

 

L’article 6 du projet de loi prolongeant l’état durgence sanitaire et complétant ses dispositions, pose la question de la responsabilité des maires, des chefs d’entreprises et des directeurs d’école. Dans un vote unanime, les sénateurs, y compris ceux de la majorité présidentielle, ont souhaité clarifier et lever les incertitudes juridiques liées aux interprétations à venir des juges que pourraient faire naître la situation exceptionnelle présente. Face aux très nombreuses injonctions techniques, voire technocratiques que l’État adresse pour la mise en place des prescriptions sanitaires, il est indispensable de ne pas laisser ces catégories en situation d’incertitude et de vulnérabilité. Leur responsabilité ne doit être engagée qu’en cas de faute intentionnelle ou de violation particulière et manifestement délibérée des mesures ou de l’obligation de prudence. En aucun cas, il ne s’agirait d’une amnistie par anticipation. Ni pour le gouvernement dont la responsabilité pourra être engagée en cas de faute par imprudence ou négligence, ni pour les maires, chefs d’entreprise ou directeurs d’école pour lesquels un régime de responsabilité demeure sans qu’il soit soumis à l’interprétation des juges. C’est le sens du vote de mes collègues et de moi-même, en souhaitant que l’Assemblée nationale prenne la mesure de cette importante question et que la Commission mixte paritaire soit conclusive.

 

Le retour des élèves en classe constitue en ce sens une actualité majeure. Le protocole sanitaire, document de 54 pages diffusé le dimanche 3 mai, soit une semaine avant la rentrée, est sans doute indispensable d’un point de vue organisationnel, mais ne peut obliger maires et directeurs d’école au-delà de leurs possibilités. On ne peut douter que, dans chaque commune de France, dans chaque école, publique ou privée, tout sera fait pour accueillir les enfants dans les conditions sanitaires les plus protectrices de leur santé. Le port du masque pour les adultes, la distanciation, les gestes barrières, l’usage du gel hydroalcoolique et le lavage des mains seront la règle. Dès lors, l’entraide et la bienveillance doivent prendre le pas sur la critique et la suspicion.

 

Quant à opposer l’obligation sanitaire à l’obligation économique c’est un non-sens. La reprise de l’école pour les enfants est une condition de la reprise économique et de l’activité. Le péril d’un effondrement cher aux collapsologues, sans imaginer le pire, est tout de même à prendre en considération. La succession des catastrophes climatiques, sanitaires, environnementales, technologiques ou économiques conduira à des crises sociales ou humanitaires dont les premières victimes seront les plus défavorisés de nos sociétés et de notre planète. Ces sujets démontrent, une fois encore, le primat de l’interdépendance humaine. Le thème, si important soit-il, de l’influence de l’homme sur son milieu naturel ne doit pas reléguer celui du rôle de chacun vis-à-vis de son semblable et de l’ensemble du groupe. Notre société individualiste et matérialiste où l’altruisme et la spiritualité tiennent si peu de place, tend à nous éloigner  de cette idée fondamentale. Après une période de deux mois durant laquelle les Français ont strictement observé les consignes gouvernementales, durant laquelle nombre d’élans de solidarité ont vu le jour, le temps est maintenant au respect de la valeur humaine, qui dépasse la seule notion de solidarité, pour épouser celle qui touche à notre propre condition: vivre et agir ensemble dans une société civilisée. Soyons persuadés que la vie de l’autre a autant d’importance que la nôtre !