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Édito de la lettre du 1er avril

Lorsque le Président de la République déclarait, dès le début de l’épidémie, « Nous sommes en guerre », il n’imaginait sans doute pas que plusieurs fronts allaient s’ouvrir.

Certes, une guerre sanitaire se déclarait, mais également une guerre scientifique, économique et d’influence. La crise sanitaire, nous la vivons tous au quotidien ; j’ai eu l’occasion de l’évoquer à de nombreuses reprises. Elle concerne chacun de nous parce que le comportement des uns a des conséquences sur la santé des autres.

La bataille scientifique, nous l’avons malheureusement perdue, en étant incapables d’élaborer un vaccin. La sixième puissance mondiale n’est pas à la table des sauveurs de la guerre sanitaire. Et plus grave encore, l’Union européenne non plus. Les brevets des vaccins, qui vont permettre de nous extraire de cette période mortifère, proviennent de quatre grands pays: les États-Unis, la Grande-Bretagne, la Chine et la Russie. Pour ces deux derniers, leur capacité à produire des vaccins et à les exporter en très grandes quantités (au détriment de leur propre population) vers les pays les moins riches est un élément essentiel de leur politique de « soft power ». Cette stratégie les placera demain, sans nul doute, en position de force pour se voir attribuer les juteux marchés d’infrastructures lourdes que nécessite le développement de ces vastes territoires. Aucun des 27 États de l’Union n’a été en mesure d’inventer le précieux sérum. Cela pose évidemment la question des priorités politiques européennes en matière de recherche et devra être une source de réflexion de l’après-crise. La souveraineté industrielle n’existera pas sans l’excellence scientifique.

Pour compenser ce constat alarmant, l’Europe, et particulièrement l’Est de celle-ci, est fort heureusement la région du monde où l’on produit le plus de doses de vaccins. Aujourd’hui, 41 usines, et bientôt 55, tourneront à plein régime afin de composer, assembler ou conditionner les unités Pfizer, Moderna ou AstraZeneca. La production actuelle au sein de l’UE s’élève à 130 millions de doses mensuelles, avec un objectif de 300 millions d’ici à cet été. L’Union européenne constituera alors le premier territoire mondial pour la fabrication de vaccins.

Or, même les bonnes nouvelles sont assorties d’éléments qui les tempèrent. Pourquoi connaissons-nous en France de telles difficultés pour vacciner en masse ?

Alors même qu’elle abrite une grande partie de la production, l’Union européenne n’a reçu que 20% des doses attendues du vaccin AstraZeneca quand, dans le même temps, la Grande-Bretagne percevait 100% de sa commande au nom du principe « premier arrivé, premier servi ». Par ailleurs, la moitié des vaccins fabriqués en Europe est exportée, notamment en Grande-Bretagne, au Canada, au Mexique ou au Japon pour honorer des contrats passés en 2020, antérieurement à ceux de l’UE pour ses États membres et de la France pour elle-même. Pour reprendre de nouveau un terme, récent cette fois-ci, d’Emmanuel Macron, « la naïveté » de l’Union, mais aussi de la France, est confondante.

De plus, si l’on observe les capacités de la Grande-Bretagne et de la France, en matière de vaccination, la comparaison ne nous est pas flatteuse. Fin mars, 26 millions de Britanniques étaient vaccinés, mais seulement 7 millions de Français ; 700 000 doses étaient injectées quotidiennement Outre-Manche pour, dans le même temps, 360 000 en France. On en voit les conséquences dans le nombre de personnes nouvellement infectées : moins de 5 000 par jour en Grande-Bretagne, près de 50 000 en France.

Alors que les Britanniques retrouvent progressivement le bonheur d’une vie normale déconfinée, la France se referme et se reconfine, après une série de demi-mesures dont on voit aujourd’hui, en approchant le nombre de 100 000 victimes de la Covid-19, qu’elles se soldent par un cuisant échec. Car rien n’est pire que, après avoir surchargé jusqu’à l’extrême nos capacités hospitalières, épuisé nos soignants et fait bondir le nombre des décès, de se trouver dans l’obligation de fermer nos écoles, mettre de nouveau le pays sous cloche et assigner à résidence les Français. Le reconfinement pour quelques semaines quand les autres pays d’Europe, en ayant anticipé cette mesure, s’en libèrent est une catastrophe pour le moral de nos compatriotes et pour la relance de l’économie.

Les « ils font ce qu’ils peuvent », « je n’aimerais pas être à leur place » ou « il est facile de commenter » ne suffisent à guider l’appréciation de l’action publique dans une crise aussi dramatique. Chacun, à sa place, est amené à prendre des décisions et à assumer ses responsabilités, dans une famille, dans une entreprise, dans une commune, dans un État.

Le devoir du gouvernement est de protéger, dans tous les domaines, les Français. Je suis perplexe sur sa capacité à maîtriser la situation sanitaire et sur la pertinence de nombreuses mesures prises depuis le début de cette épidémie. La France s’en relèvera, mais à quel prix ?