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Édito de la lettre électronique du 19 décembre 2023

Alors que j’écris ces lignes à la veille de la commission mixte paritaire concernant le projet de loi immigration et intégration, les journaux dominicaux démontrent que le débat demeure passionné. Celui-ci reflète d’une part les préoccupations de nos concitoyens liées à la présence croissante d’étrangers en France, et réactive d’autre part les clivages politiques que d’aucuns pensaient disparus. Les sondages d’opinion indiquent qu’une large majorité de Français, dont je suis, soutient que des réformes sont nécessaires pour réguler les flux migratoires, renforcer la sécurité nationale et préserver notre identité culturelle. À l’inverse, une minorité s’élève pour souligner l’importance de l’accueil des réfugiés et des migrants, mettant en avant les droits fondamentaux et le multiculturalisme.

Ce texte, dont l’étude a été repoussée à de nombreuses reprises par le gouvernement, est arrivé au bureau du Sénat pour une première lecture en novembre 2023 sous forme d’une procédure accélérée. Adopté largement, avec les voix des Républicains, des centristes, des sénateurs Renaissances et Horizons, il a été fortement modifié tout au long des deux semaines de séance. Lorsqu’il a été transmis à l’Assemblée nationale, la commission des lois a remis en cause les apports du Sénat pour revenir en grande partie au texte initial. En discussion au palais Bourbon, ce texte s’est heurté à une disposition activée pour la première fois depuis son instauration dans le règlement intérieur en mai 2009 : une motion de rejet préalable a été adoptée renvoyant ainsi le gouvernement à ses responsabilités. Ce dernier a choisi la voie de la commission mixte paritaire dans l’espoir de trouver un chemin vers l’adoption de son projet de loi.

Au cœur des débats se trouvent des questions complexes telles que le statut des demandeurs d’asile, l’accès à la nationalité française, les conditions d’octroi des aides sociales, ou encore l’intégration des migrants. Plus largement, il pose la question du modèle de société que nous souhaitons pour les décennies futures.

Le texte initial, archétype du « en même temps » cher au Président de la République, a été  abondamment modifié lors des débats de la chambre haute puisqu’il est passé de 27 à 95 articles. À l’instar des mesures prises dans la plupart des pays européens, parmi lesquels le Danemark dont la politique migratoire, conjuguant fermeté et humanité, est élevée en modèle, le Sénat a souhaité instaurer des règles beaucoup plus rigoureuses. Le durcissement des modalités d’entrées et de régularisations, et l’application plus stricte des décisions d’expulsions ont ainsi été adoptés par les sénateurs tout en veillant à préserver l’équilibre entre sécurité nationale et droits humains qui demeurent une préoccupation majeure. Certains critiques du projet de loi soulignent le risque de stigmatisation des communautés migrantes et appellent à une approche plus inclusive et respectueuse des droits de l’Homme, alors que ceux qui soutiennent le projet de loi mettent en avant la nécessité de prévenir l’immigration illégale et de garantir un processus régulier et  maîtrisé.

Le contexte international joue un rôle crucial dans ce débat, avec des pressions migratoires dues à des conflits, des conditions économiques précaires et au réchauffement climatique qui rend les conditions de vie extrêmement difficiles. Les trois pouvant malheureusement se cumuler comme en Afrique, dont la démographie – c’est une autre menace – demeure, malgré ces fléaux, galopante.

L’intégration des migrants dans la société d’accueil, dont on parle trop peu, est pourtant tout aussi cruciale. Les défis incluent l’accès à l’éducation et à la connaissance de la langue française, à l’emploi, ainsi que, et peut-être surtout, l’adaptation aux normes culturelles et sociales.

Ce projet de loi sur l’immigration suscite des opinions divergentes, reflétant la complexité inhérente à cette question. Il est essentiel pourtant d’aborder ces enjeux avec nuance, en tenant compte à la fois des préoccupations de sécurité nationale et des droits humains fondamentaux. Le défi consiste à trouver un équilibre qui favorise une politique migratoire acceptable pour les Français, économiquement utile et qui préserve notre modèle républicain fondé sur l’assimilation et l’intégration dans une communauté nationale unie, laïque et solidaire.

En cette fin d’année que la tradition voue à une trêve festive, faisons une pause de débats et d’actualité oppressante relayée à flot continu par les médias, pour se ressourcer en famille et entre amis. Pauline Martin se joint à moi pour vous souhaiter chaleureusement un très joyeux Noël et d’excellentes fêtes. 🎄🎁🎅👨‍👨‍👧‍👧 🥂

 

Hugues Saury, Sénateur du Loiret