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Retrouvez la Tribune de Philippe Bas, Président de la commission des lois « Les droits de l’enfant sont plus importants que le désir d’enfant » que j’ai cosignée avec 119 sénateurs :

TRIBUNE – Le besoin de tout enfant d’avoir un père et une mère mérite la plus grande attention du législateur, avertissent Philippe Bas, président de la commission des lois du Sénat (LR), Bruno Retailleau, président du groupe LR au Sénat ainsi que 117 autres parlementaires de différents groupes de la Haute Assemblée.

Les questions relatives à l’éthique du vivant, en particulier celles qui concernent le don de la vie, sont difficiles à trancher parce qu’il s’agit en réalité de régir les mœurs. Or, les mœurs sont rarement filles de la loi. Pourtant, il faut bien que la loi pose quelques règles car les technologies médicales, couplées à de nouvelles pratiques sociétales, ouvrent la possibilité de satisfaire le désir d’enfant par des moyens qui ne relèvent plus seulement de la vie privée mais aussi de la collectivité. Ces innovations interpellent la société tout entière, qui doit décider de ce qui ne dépend que d’elle, c’est-à-dire d’apporter ou non son assistance à la procréation et de sanctionner les pratiques qui lui paraîtraient contrevenir gravement aux droits fondamentaux.

Depuis toujours, la satisfaction du désir d’enfant relevait exclusivement de la sphère privée, des circonstances de la vie, de la liberté individuelle. Elle comportait aussi des obstacles, parfois insurmontables. On devait alors se résigner à ne pas avoir d’enfant, sauf à imaginer des arrangements dont l’histoire et la littérature ne sont pas avares d’exemples. Aujourd’hui, l’infertilité n’est plus sans remède médical et de nombreuses personnes seules ou formant un couple de même sexe pourraient, de ce fait, accéder aussi à une «parentalité pour tous». Face aux interdits qui les empêchent encore de devenir parents, elles expriment de plus en plus fortement le sentiment d’être victimes d’une inégalité, voire d’une injustice. La société aurait, selon elles, le devoir de corriger cette injustice puisque le progrès technique et de nouvelles formes de conventions entre particuliers, comme le contrat de gestation pour autrui, en ouvrent la possibilité matérielle.

Ces attentes soulèvent cependant de multiples interrogations. Il faudrait décider dans quelle mesure un médecin peut agir en dehors d’une déontologie qui lui prescrit de traiter la maladie mais ne lui permet pas de répondre à d’autres demandes comme le ferait un simple prestataire de services. Il faudrait accepter de mettre l’hôpital public à la disposition de ceux qui auraient le droit d’exiger son intervention, en adaptant la répartition des moyens alloués aux différentes catégories de soins, tâche d’autant plus ardue que ces moyens font cruellement défaut. Il faudrait prévoir la prise en charge des nouvelles prestations médicales en mobilisant ou non l’assurance maladie et la solidarité nationale.

On devrait par ailleurs se poser la question de l’élargissement des conditions du don de gamètes, voire réexaminer le principe de sa gratuité. S’il décidait d’autoriser la «gestation pour autrui», le législateur devrait aussi déterminer les garanties susceptibles d’être apportées aux mères porteuses.

Enfin, il faudrait dans tous les cas définir les conséquences des nouveaux modes de procréation sur la filiation légale, l’exercice de l’autorité parentale, l’accès aux origines. On ne peut envisager d’extension de l’assistance médicale à la procréation sans avoir préalablement répondu à ces questions. Aucune ne relève de l’évidence, mais à l’inverse aucune ne peut reposer sur une parole de savant, de médecin ou de juriste. La bioéthique appartient à tous les Français. Cessons de l’enfermer dans le sanctuaire de l’expertise!

Le plus important reste en effet l’enjeu de société. Toutes les autres considérations lui sont subordonnées. Certes, on comprendrait mal que le désir d’enfant soit considéré comme foncièrement altruiste et généreux de la part d’un couple fécond formé d’une femme et d’un homme, tandis qu’il ne serait plus que l’expression d’un égoïste et immoral «droit à l’enfant» dans tous les autres cas. Le désir d’enfant est au cœur de toute humanité et il est toujours légitime. Fonder une famille, avoir des enfants, est un droit naturel de la personne humaine, une liberté inaliénable. Ce droit, cette liberté, ne peuvent être restreints à une catégorie d’individus. Mais voilà, comme tous les autres droits de l’homme, ce droit n’est pas une faculté que chacun pourrait exercer à sa guise. Il ne peut s’exercer pleinement que si d’autres droits d’égale importance n’y font pas obstacle. Dans le cas contraire, la loi civile, qui protège la famille en donnant la priorité aux besoins de l’enfant et porte aussi un regard attentif au conjoint vulnérable, doit trouver une conciliation en fixant de légitimes limites à la liberté individuelle.

Cette conciliation n’est cependant pas toujours possible. Prenons le cas des mères porteuses. Certains ne voient dans cette pratique qu’une liberté à encadrer. Contraire à la dignité de la femme qui se prête ou se loue, contraire à la dignité de l’enfant offert ou vendu, elle fait l’objet d’un interdit absolu dans de nombreux pays démocratiques. Il est vain de rechercher des modalités de mise en œuvre qui la rendraient éthique car elle est par son essence même en contradiction avec les principes humanistes qui fondent nos sociétés.

«Il s’agit ici non pas de décider du sort d’enfants déjà nés, mais de concevoir et de faire naître des enfants pour satisfaire une demande individuelle. Cette différence est essentielle»

Au-dessus du désir d’enfant, il faut prendre en considération les droits fondamentaux de l’enfant. Pour l’essentiel, c’est bien sûr aux parents qu’il appartient de le faire. C’est leur mission. Elle repose sur un postulat de confiance de la société à leur égard. Mais ils doivent eux-mêmes respecter des règles posées par la société, la protection de l’enfance étant l’une des missions les plus fondamentales de la puissance publique. Nous ne vivons pas dans une société atomisée où chacun pourrait déterminer en toute autonomie et sans restriction d’aucune sorte l’architecture et le mode de fonctionnement de sa famille, en prétendant de surcroît exercer sur la collectivité un doit de tirage pour obtenir les prestations nécessaires à son projet.

Le besoin de chaque enfant d’avoir un père et une mère ne doit pas être tenu pour négligeable, comme s’il s’agissait d’un ultime avatar des sociétés du passé. Notre histoire collective comporte assurément de nombreux exemples d’enfants placés par les circonstances de la vie sous la responsabilité d’un seul de leurs parents ou d’un parent d’adoption. Aujourd’hui, le nombre de familles monoparentales ne cesse d’ailleurs d’augmenter et la politique familiale reconnaît à juste titre la nécessité de leur apporter une attention particulière. On admet aussi depuis longtemps l’adoption d’enfants par une personne seule.

Enfin, de nouveaux modèles familiaux se sont mis en place autour de couples de même sexe qui apportent à l’enfant le meilleur d’eux-mêmes. Ce qui hier encore était impensable a progressivement été toléré, avant de faire l’objet semble-t-il d’une large acceptation.

Mais ces réalités ne sauraient nous dispenser d’évaluer l’intérêt supérieur de l’enfant avant d’envisager l’assouplissement des conditions d’accès à l’assistance médicale à la procréation. Car il s’agit ici non pas de décider du sort d’enfants déjà nés, mais de concevoir et de faire naître des enfants pour satisfaire une demande individuelle. Cette différence est essentielle. Une chose est de surmonter le manque qui s’inscrit au cœur de la vie d’un orphelin ou d’un enfant abandonné. Une autre est d’expliquer à un enfant qu’il a été conçu en étant destiné à vivre sans père ou sans mère par la décision d’adultes, fussent-ils des parents aimants dotés de qualités exceptionnelles. Qui peut oser prendre sans hésiter une telle responsabilité vis-à-vis de l’enfant? Comment exiger de la société qu’elle la partage? N’est-il pas présomptueux de penser que la force d’amour et la puissance éducative d’un adulte ou d’un couple d’adultes vont pouvoir remplir le vide inhérent aux origines de la vie de l’enfant ainsi conçu? A-t-on pensé à l’ensemble des risques pris pour le développement de sa personnalité, qui pourraient se réaliser très longtemps après sa naissance? Quelle confiance l’enfant pourra-t-il faire à ses parents s’il souffre du fait des conditions de sa conception? Comment ne pas comprendre qu’il s’agit ici de bien autre chose que d’une adoption? C’est un saut dans l’inconnu.

Ces questions méritent mieux qu’une approche désinvolte en termes de modernité ou de ringardise. Elles font appel à notre sens de l’humain, à notre conception du bien de l’enfant, à notre vision de la société et des valeurs qui la fondent. Le débat qui s’est engagé par les états généraux de la bioéthique permettra-t-il d’y répondre de manière impartiale alors qu’au lieu de rester neutre, l’instance qui en a à la charge au nom du gouvernement, le comité national consultatif d’éthique pour les sciences de la vie, a curieusement pris position avant même qu’il ait lieu? On aimerait avoir la certitude que tout n’a pas été réglé d’avance du fait de la position personnelle du président de la République. Le Parlement souverain est là qui décidera démocratiquement au nom des Français et ne manquera pas d’inscrire sa réflexion dans le cadre qui convient: celui des principes fondamentaux issus de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, pour le bien de l’enfant et le respect des valeurs de notre société, en conjuguant humanisme et raison dans la grande tradition héritée du siècle des Lumières.


La liste des signataires:

Philippe Bas, président de la commission des lois du Sénat (LR), ancien ministre de la Famille

Bruno Retailleau, sénateur LR de la Vendée, Président du Groupe LR

Philippe Adnot, sénateur de l’Aube, Délégué de la réunion administrative des Sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe (Non-inscrits)

Serge Babary, sénateur LR d’Indre-et-Loire

Jean-Pierre Bansard, sénateur LR représentant les Français établis hors de France

Jérôme Bascher, sénateur LR de l’Oise

Arnaud Bazin, sénateur LR du Val-d’Oise

Anne-Marie Bertrand, sénateur LR des Bouches-du-Rhône

Jérôme Bignon, sénateur Les Indépendants – République et Territoires de la Somme

Christine Bonfanti-Dossat, sénateur LR de Lot-et-Garonne

François Bonhomme, sénateur LR du Tarn-et-Garonne

Bernard Bonne, sénateur LR de la Loire

Pascale Bories, sénatrice LR du Gard

Gilbert Bouchet, sénateur LR de la Drôme

Céline Boulay-Espéronnier, sénatrice LR de Paris

Yves Bouloux, sénateur LR de la Vienne

Jean-Marc Boyer, sénateur LR du Puy-de-Dôme

Max Brisson, sénateur LR des Pyrénées-Atlantiques

Marie-Thérèse Bruguière, sénatrice LR de l’Hérault

François-Noël Buffet, sénateur LR du Rhône

Agnès Canayer, sénateur LR de la Seine-Maritime

Jean-Noël Cardoux, sénateur LR du Loiret

Jean-Claude Carle, sénateur LR de la Haute-Savoie

Anne Chain-Larché, sénatrice LR de la Seine-et-Marne

Patrick Chaize, sénateur LR de l’Ain

Pierre Charon, sénateur LR de Paris

Alain Chatillon, sénateur LR de la Haute-Garonne

Marie-Christine Chauvin, sénateur LR du Jura

Guillaume Chevrollier, sénateur LR de la Mayenne

Pierre Cuypers, sénateur LR de la Seine-et-Marne

Philippe Dallier, sénateur LR de la Seine-Saint-Denis, Vice-Président du Sénat

René Danesi, sénateur LR du Haut-Rhin

Mathieu Darnaud, sénateur LR de l’Ardèche

Marc-Philippe Daubresse, sénateur LR du Nord

Jean-Pierre Decool, sénateur Les Indépendants – République et Territoires du Nord

Nathalie Delattre, sénatrice RDSE de la Gironde

Annie Delmont-Koropoulis, sénatrice LR de la Seine-Saint-Denis

Catherine Deroche, sénatrice LR de Maine-et-Loire

Jacky Deromedi, sénateur LR représentant les Français établis hors de France

Chantal Deseyne, sénateur LR d’Eure-et-Loir

Yves Détraigne, sénateur UC de la Marne

Catherine Di Folco, sénateur LR du Rhône

Philippe Dominati, sénateur LR de Paris

Alain Dufaut, sénateur LR du Vaucluse

Catherine Dumas, sénatrice LR de Paris

Laurent Duplomb, sénateur LR de la Haute-Loire

Nicole Duranton, sénateur LR de l’Eure

Jean-Paul Emorine, sénateur LR de la Saône-et-Loire

Dominique Estrosi-Sassone, sénateur LR des Alpes-Maritimes

Jacqueline Eustache-Brinio, sénatrice LR du Val-d’Oise

Michel Forissier, sénateur LR du Rhône

Pierre Frogier, sénateur LR de la Nouvelle-Calédonie

Joëlle Garriaud-Maylam, sénateur LR représentant les Français établis hors de France

Jacques Genest, sénateur LR de l’Ardèche

Frédérique Gerbaud, sénatrice LR de l’Indre

Bruno Gilles, sénateur LR des Bouches-du-Rhône

Jordi Ginesta, sénateur LR du Var

ColetteGiudicelli, sénateur LR des Alpes-Maritimes

Jean-Pierre Grand, sénateur LR de l’Hérault

Daniel Gremillet, sénateur LR des Vosges

Jacques Grosperrin, sénateur LR du Doubs

Pascale Gruny, sénateur LR de l’Aisne

Charles Guené, sénateur LR de la Haute-Marne

Jean-Michel Houllegatte, sénateur PS de la Manche

Jean-Raymond Hugonet, sénateur LR de l’Essonne

Benoît Huré, sénateur LR des Ardennes

Jean-François Husson, sénateur LR de la Meurthe-et-Moselle

Sophie Joissains, sénateur UC des Bouches-du-Rhône

Muriel Jourda, sénateur LR du Morbihan

Guy-Dominique Kennel, sénateur LR du Bas-Rhin

Marc Laménie, sénateur LR des Ardennes

Elisabeth Lamure, sénateur LR du Rhône, président de la délégation sénatoriale aux entreprises

Christine Lanfranchi-Dorgal, sénatrice LR du Var

Florence Lassarade, sénatrice LR de la Gironde

Daniel Laurent, sénateur LR de la Charente-Maritime

Christine Lavarde, sénateur LR des Hauts-de-Seine

Antoine Lefèvre, sénateur LR de l’Aisne

Dominique de Legge, sénateur LR d’Ille-et-Vilaine

Ronan Le Gleut, sénateur LR représentant les Français établis hors de France

Jean-Pierre Leleux, sénateur LR des Alpes-Maritimes

Sébastien Leroux, sénateur LR de l’Orne

Henri Leroy, sénateur LR des Alpes-Maritimes

Brigitte Lherbier, sénateur LR du Nord

Gérard Longuet, sénateur LR de la Meuse, ancien Ministre, Président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques

VivetteLopez, sénateur LR du Gard

Michel Magras, sénateur LR de Saint-Barthélemy, président de la délégation sénatoriale aux outre-mer

Didier Mandelli, sénateur LR de la Vendée

Jean-François Mayet, sénateur LR de l’Indre

Colette Mélot, sénatrice Les Indépendants – République et Territoires de la Seine-et-Marne

Marie Mercier, sénateur LR de la Saône-et-Loire

Sébastien Meurant, sénateur LR du Val-d’Oise

Brigitte Micouleau, sénatrice LR de la Haute-Garonne

Jean-Marie Mizzon, sénateur UC de la Moselle

Patricia Mohret-Richaud, sénatrice LR des Hautes-Alpes

Jean-Marie Morisset, sénateur LR des Deux-Sèvres

Philippe Mouiller, sénateur LR des Deux-Sèvres

Louis-Jean de Nicolaÿ, sénateur LR de la Sarthe

Olivier Paccaud, sénateur LR de l’Oise

Philippe Paul, sénateur LR du Finistère

Philippe Pemezec, sénateur LR des Hauts-de-Seine

Stéphane Piednoir, sénateur LR de Maine-et-Loire

Jackie Pierre, sénateur LR des Vosges

François Pillet, sénateur LR du Cher, Président du comité de déontologie parlementaire du Sénat

Rémy Pointereau, sénateur LR du Cher, Questeur du Sénat

Christophe Priou, sénateur LR de la Loire-Atlantique

Michel Raison, sénateur LR de la Haute-Saône

Jean-François Rapin, sénateur LR du Pas-de-Calais

André Reichardt, sénateur LR du Bas-Rhin

Charles Revet, sénateur LR de la Seine-Maritime

Hugues Saury, sénateur LR du Loiret

René-Paul Savary, sénateur LR de la Marne

Bruno Sido, sénateur LR de la Haute-Marne

Jean Sol, sénateur LR des Pyrénées-Orientales

Lana Tetuanui, sénatrice UC de la Polynésie française

Claudine Thomas, sénatrice LR de la Seine-et-Marne

Catherine Troendlé, sénateur LR du Haut-Rhin, Vice-Président du Sénat

Michel Vaspart, sénateur LR des Côtes-d’Armor

Jean-Pierre Vial, sénateur LR de la Savoie

Dany Wattebled, sénateur Les Indépendants-République et Territoires du Nord